404, on a retrouvé la Peugeot des pompiers
Le Tour Auto 2024
Cette édition 2024 du Tour Auto aura été marquée, comme à son habitude, par la présence de nombreuses voitures d’exception. La Fiat 8V, la Ferrari 250 GTO… et la 404 Peugeot.
En quoi une Peugeot 404 est-elle une voiture d’exception me demanderez-vous ? Comme souvent, ce n’est pas la voiture en elle-même qui est exceptionnelle, mais son histoire et celle des personnes qui ont travaillé dessus. C’est ce que le Patrick Picard, major à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, nous a expliqué lors de notre rencontre dans le cadre des 24 heures du Mans.
La Peugeot 404
Année de fabrication : 1963
Moteur : 4 cylindres, 1618 cm³
Puissance : 80 chevaux (à 5750 tr/min)
Transmission : manuelle, à 4 rapports
Poids : 1070 Kg
Accélérations :
- 0 à 100 km/h en 17s
Bonjour, des pompiers sur le Tout Auto ?
Le but principal de la démarche était de promouvoir tous les métiers de la maintenance des pompiers de Paris. En fait, il faut savoir que les pompiers de Paris ne font pas que des interventions. Comme d’autres corps de l’armée, ils assurent eux-mêmes leur propre maintenance, qu’il s’agisse de la maintenance des casernes, comme de la maintenance des véhicules. Le but du colonel, en lançant le projet, était donc de promouvoir notre savoir faire en mécanique et d’attirer des jeunes à venir embrasser une carrière chez nous.
Pourquoi avoir choisi une Peugeot 404 ?
Nous cherchions un véhicule avec un look sympa, éligible au Tour Auto et pour lequel nous pourrions trouver les pièces détachées relativement facilement.
Enfin il y a aussi la question du budget. Le projet ne pouvait bien entendu pas utiliser l’argent public. Par ailleurs, en tant que fonction publique, il ne nous était pas possible de financer la voiture par du sponsoring. Il fallait donc que l’achat de la voiture, sa restauration, et son inscription au Tour Auto soit financée par les dons que nous avons pu recueillir.
Nous avons donc trouvé cette 404 au musée de l’Aventure Peugeot, « dans son jus » et sommes partis pour 18 mois de restauration avant de pouvoir la faire courir au Tour Auto.
Il y avait beaucoup de travail ?
Oui, toute la carrosserie a dû être refaite. En effet, une fois la voiture sablée, il s’est avéré qu’une bonne partie de la carrosserie était rouillée, voir perforée. Nous avons dû tout refaire : intérieur, extérieur, le moteur, les freins etc…
Et même une semaine avant le début du Tour Auto, alors que nous pensions que la voiture était prête, les freins nous lâchent lors de nos essais près de la caserne.
Lors de la réfection, nous avions récupéré un mauvais modèle de maître cylindre… et 4 jours pour en trouver un nouveau et refaire les freins pour être prêt pour le départ.
Au total, la restauration complète a demandé 1.600 heures de travail, majoritairement prises hors de nos heures de travail (certaines tâches, comme l’utilisation de la cabine de peinture, ont néanmoins dû être effectuées pendant les heures de travail).
Niveau pilotage, vous aviez de l’expérience ?
Pas du tout ! Le jour du départ, nous n’y connaissions rien. Je n’avais jamais piloté, mon co-pilote ne savait pas lire un road-book, nous ne savions pas lire les tables… les gens nous regardaient bizarrement et se demandaient ce que nous faisions là. Notre équipe avait été désignée par notre colonel, en choisissant quatre personnes parmi les 16 ayant participé au projet : 2 pour le pilotage, et 2 pour l’assistance. D’ailleurs, pendant tout le Tour Auto, j’avais sans cesse une pensée émue pour le reste de l’équipe, qui avait donné tant d’heures pour rentre le projet possible, et qui n’a pas pu venir avec nous sur la route.
Justement, en parlant d’assistance, Avez-vous rencontré des problèmes techniques ?
Oui, beaucoup de soucis.
Dés le premier jour, en quittant Montlhéry, la pompe à injection qui déjaugeait à 110 km/h sur l’autoroute, qu’il a fallut régler sur une aire d’autoroute.
Puis vers Carcassonne, la voiture ne tenait plus le ralenti et calait sans cesse… nous avons perdu beaucoup de temps avant de pouvoir faire intervenir notre assistance. Avec ce temps perdu, nous n’avons pas pu faire le plein de carburant quand nous voulions le faire, et arrivons donc à Carcassonne quasiment à sec. Le lendemain, l’étape commençait par de l’autoroute, et là, premières station service fermée ! La première spéciale était juste après et j’y arrive réservoir vide ! On nous dépanne d’un jerrican de 5 litre, on fait la spéciale, et en avant pour les Pyrénées. Là, la voiture se remet à caler comme la veille. Notre assistance était en train de se casser la tête sur l’allumage quand une assistance d’une voiture d’un plateau compétition (qui nous avait donc rattrapé) vient nous prêter main forte. Ensemble, on constate que je ne tournais que sur 1 cylindre. Nous voilà à régler le jeu des soupapes à coup de disqueuse et de poste à souder (car forcément, une vis casse pendant le réglage)… et, voilà, la voiture tourne comme une horloge !
Quelle a été la réaction du public en vous voyant ?
Beaucoup d’enthousiasme.
Dés qu’on traversait un village, nous étions applaudis par le public, par les enfants dans les écoles. Nous avons même eu le droit à un fan avec sa petite pencarte #18, ça nous a fait chaud au coeur. Nous avons senti l’engouement pour les pompiers, mais aussi l’engouement pour la 404. Dans tous les villages, même sous la pluie, les gens étaient présents pour venir nous conter leurs histoires de 404. Et puis, même si nous n’étions manifestement pas la voiture la plus performante du plateau, il nous suffisait de mettre un coup de 2 tons pour que les gens nous entendent arriver et déclenchent des olas (on s’excuse auprès des #17 et #19 de leur avoir casser les oreilles toute la semaine avec notre 2 tons).
D’autres projets en vu ?
Tout d’abord, il y a le Rallye du Cœur le 22 Juin (NDLR : l’interview s’est déroulée le 13 juin) où la voiture permettra de recueillir des fonds pour des enfants en situation de handicap. J’aimerais aussi arriver à engager cette voiture sur d’autres rallyes, toujours dans le but de faire parler du projet et faire savoir aux gens qu’il y a des carrières possible de mécaniciens, de carrossiers etc… au sein des sapeurs-pompiers. Et puis, j’espère aussi que nous pourrons inscrire la voiture au Tour-Auto 2025 (et que d’autres membres du projet puissent avoir l’opportunité de vivre l’aventure que nous avons vécu cette année).
Un mot sur l'équipe ?
Bien entendu, il y a la course, avec :
– Le lieutenant Kévin Pierre et le major Patrick Picard au volant de la 404.
– Le sergent Joffrey Poitevin et du sapeur de première classe Franck Portelli pour l’assistance.
Mais le plus important, c’est que ce projet est avant tout le fruit du travail de toute une équipe, pendant 18 mois :
– Le colonel Laurent Viguier à l’initiative du projet
– Le lieutenant Kévin Pierre pour coordonner le projet avec les autorités
– Moi (Patrick Picard) pour faire le lien entre les autorités et le technique
– Le major Yoel Plat pour la peinture des casque.
– Yoann, Antoine et Guillaume pour la sellerie
– Rudy, Mickaël, Nicolas et Léo pour la carrosserie
– Joffrey et Franck pour la mécanique
– Camille, Kévin et Guillaume pour dénicher les pièces détachées
– Le sergent Léa Labrousse, la marraine de la voiture (et espoir de médaille en trampoline pour les JO 2024)
– François Allain, le parrain de la voiture.